1, 2, 3… scopes : le bilan carbone des entreprises
Décembre et les bévues du Père Noël en termes de critères ESG semblent déjà loin – et après plusieurs changements, les investisseurs sont revenus et les actions de Santa Inc. sont remontées en flèche.
Au cas où vous ne comprenez pas le lien, nous vous avons parlé en décembre de l’influence que les investisseurs peuvent exercer, en achetant les actions d’ entreprises qui prennent en compte les critères ESG – l’environnemental, le social, et la gouvernance.
Aujourd’hui, nous nous penchons sur le premier des trois aspects : comment les entreprises peuvent-elles mesurer leur impact environnemental, et comment peuvent-elles le communiquer aux parties prenantes ?
D’abord, que mesure-t-on ?
Les discussions relatives aux défis environnementaux sont souvent axées sur le changement climatique.
Comme l’a reconnu le GIEC dans son dernier rapport, le réchauffement climatique est causé par l’activité humaine. Il ne peut donc être freiné ou mis à l’arrêt que par une adaptation de nos habitudes de production et de consommation.
Un peu moins de nuggets et un peu plus de haricots verts dans nos assiettes, donc.
Le changement climatique est notamment causé par l’effet de serre, que les activités humaines ont déréglé par leur excès d’émissions de gaz (dits « à effet de serre), comme le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4) et bien d’autres.
Les 3 scopes : un périmètre de reporting
Pour responsabiliser les organisations, qui sont à l’origine d’ une grande partie de nos émissions, le Greenhouse Gas Protocol (GHG Protocol) a été mis en place à la fin des années 1990 par le World Resource Institute et le Word Business Council for Sustainable Development, avec l’aide de gouvernements, d’entreprises et d’ONG.
En effet, pour pouvoir faire face à un défi global, il est plus facile de parler le même langage.
C’est ainsi qu’en 2001 est publiée la première norme pour la comptabilisation et la déclaration des GES (gaz à effet de serre), offrant par la même un cadre de reporting commun aux entreprises.
Cette norme est dotée de trois périmètres, ou « scopes », qui s’intéressent aux différentes sources d’émissions produites par les entreprises : on les appelle les scopes 1, 2 et 3.
- Le scope 1 mesure les émissions directes liées à la combustion d’énergies fossiles de ressources possédées (ou contrôlées) par l’entreprise. Par exemple, les gaz émis par vos vaches, les vapeurs qui sortent de vos fours industriels, etc.
- Le scope 2 mesure les émissions indirectes liées à l’achat ou à la production d’électricité. Par exemple, l’électricité produite par un tiers et consommée par votre entreprise pour imprimer des magazines, ou pour faire tourner vos serveurs.
- Le scope 3 mesure toutes les autres émissions indirectes de la chaîne de valeur étendue – en amont et en aval – qui représentent souvent la majeure partie des émissions. Par exemple, une entreprise qui achète de l’acier à un fournisseur introduira les émissions relatives à cet acier acheté dans son reporting.
Vue d’ensemble des périmètres et des émissions de la chaîne de valeur selon le Protocole GHG.
Source : sami.eco
Et comment ça marche ?
Maintenant que l’on sait comment catégoriser nos mesures… comment les mesure-t-on ?
Un tonnerre d’applaudissements pour la Méthode Bilan Carbone élaborée pour l’ADEME par Jean-Marc Jancovici.
Cette méthode exprime les émissions directes et indirectes de GES (gaz à effet de serre) en dioxyde de carbone équivalent (CO2e) sur une année.
Quand c’est possible, on cherche tout d’abord à estimer les émissions de GES grâce à des ratios physiques : on multiplie la quantité consommée (kilomètre parcouru, litre d’essence, kilo de viande, m² de surface) par la quantité unitaire de CO2 émise.
Par exemple, prendre le TGV émet 1,73 gCO2e par passager (= quantité unitaire, le passager), par kilomètre (= quantité consommée). Donc sur un trajet Paris – Marseille de 750 km ça fera 1298 gCO2e, soit plus de 1kg de CO2e.
Lorsque les données physiques manquent, on utilise un ratio monétaire, exprimé en CO2e par euro ou dollar dépensé, pour estimer l’empreinte carbone d’un produit ou service à partir de son prix d’achat. Cette méthode est souvent plus simple à mettre en œuvre sur le scope 3, mais moins précise que l’approche par les données physiques.
Exemple, une entreprise pharmaceutique qui achète pour 1 000 $ d’emballage papier devra prendre en compte l’émission de 1,8 tonnes de CO2.
Ça vous paraît compliqué ? Point d’inquiétude !
La plupart des grandes entreprises font appel à des experts internes, ou des prestataires spécialisés, pour établir leur bilan carbone.
En France, un bilan carbone annuel est d’ailleurs obligatoire pour toutes les entreprises de plus de 500 salariés, depuis la loi Grenelle 2 (2010) et requiert une mise à jour tous les 4 ans au minimum.
Cependant, cette loi limite l’obligation aux scopes 1 et 2, alors que le scope 3 est connu pour être le plus généreux en émissions de GES…
Intégrer le scope 3 dans les obligations de reporting représenterait donc une grande avancée vers une représentation plus réaliste du bilan carbone des entreprises.
Les limites du système
« Il n’y a pas que les émissions qui posent problème » se diront certain.e.s d’entre vous, et vous aurez raison.
Mais nous vous arrêtons tout de suite : le protocole GHG et ses 3 scopes n’a pas vocation à traiter tous les aspects du développement durable. Il vise plutôt à fournir une vision claire et chiffrée de l’impact des entreprises sur le réchauffement climatique.
Pour chaque thématique du développement durable, il y a des indices pertinents. Alors comment faire pour avoir une vision globale de la performance environnementale ? De plus en plus d’entreprises se tournent vers des agences de notation environnementale comme CDP, MSCI ou Ecovadis. Un autre sujet passionnant dont nous vous parlerons une prochaine fois.
Pour aider les entreprises à aborder le thème du développement durable, nous avons développé un programme de formation, aussi disponible aussi en anglais. On y traite notamment des opportunités business d’une entreprise durable, des moyens pour faciliter la transition, ainsi que des moyens pour devenir acteur.rice.s du changement.
On en parle autour d’un café ?